Le mouroir de Dolly.

Le prince des neiges.

samedi 17 novembre 2012 à 18h41

Dans mes rêves.. y a-t-il seulement des rêves ici-bas ? Vous, vous vivez en retrait, tout complaisant que vous êtes dans vos retranchements stupides et bornés. Rien ne semble vous atteindre parce que rien n’a de couleurs à vos yeux. Vous avez laissé la décrépitude dont vous êtes la victime prendre le pas sur le monde de votre regard. Rien n’a plus de valeur parce que la valeur elle-même n’existe plus. Tout désir a brûlé et s’est consumé de telle sorte qu’aujourd’hui, vos lèvres ne sont plus que des cendres froides. Votre corps de marbre, vos mains de sang… vous ne savez plus qu’en faire. Les jours se suivent et se ressemblent, le jour est semblable à la nuit. Le soleil poursuit sa course folle sans jamais retrouver la lune. Comment mourir sans connaître la vie ? Les larmes s’emparent de vous… c’est un bien étrange spectacle. Me serais-je méprise ? Un cœur battant serait-il bien présent sous toute cette couche de glace ? Ouvrez donc cette chemise, laissez-moi vous toucher. Là, doucement. Vous êtes brûlant de fièvre ! Je vous en prie, ne me regardez pas ainsi. Ne prenez pas cet air qui fissure l’air et le temps. Ne me souriez pas. Je déteste lorsque vous souriez parce que vous avez l’air si triste. Et je brûle d’envie de vous serrer contre moi, de vous promettre que tout ira bien. Vous êtes bien cruel, sire. Et fou. Vous m’avez enlevée et gardée prisonnière comme un oiseau en cage. Je vous ai détesté pour cela. Tout comme j’ai détesté votre gentillesse, vos cadeaux et votre patience. Toutes ces nuits à pleurer, toutes ces heures à songer aux jours d’antan. Les milliers de plans d’évasions, les silences à demi-murmurés et les phrases brisées. Vos supplications, votre détresse, votre chagrin. Ma cécité. Oh oui, je vous ai haï si fort que dans ces moments, je vous aurais volontiers crevé les yeux, battu à mort et laissé pourrir sur le sol gelé. Mais lorsque vous apparaissiez alors, tous ces sentiments d’horreur se retournaient contre moi. Comment pouvais-je vous haïr, vous, pauvre créature en souffrance ? Ciel, je voudrais bien être damnée pour ce que je m’apprête à dire. Je vous déteste, milord. Je vous exècre parce que vous avez brisé ma vie. Parce que vous avez balayé mon univers et m’avez ôté ma liberté. Parce que le monde dans lequel vous évoluez m’insupporte et me rend irritable. Parce que votre simple présence suffit à briser tout ce qu’il y a en moi. Parce qu’enfin je suis là, devant vous, incapable de vous briser. Incapable de vous tuer. Je suis partie, me voilà revenue. Vos chaînes continuent de m’entraver, vos paroles de me tourmenter. Je viens vous dire que c’est terminé. J’arrête. J’abandonne. Ce petit jeu a assez duré. Je vous rends tout. Vos bagues, vos colliers, même cette robe que je porte. Je sens en moi ce sentiment déchirant de tristesse qui me prend chaque fois que vous posez les yeux sur ma personne. Regardez-moi. Regardez-moi attentivement, nue et vivante. La neige tombe au dehors, elle s’est emparée de votre âme. Vous êtes si froid. Mais nous sommes à l’intérieur, seigneur, et ici tout n’est que feu ardent et flamme voluptueuse. Oui, vous en avez vu des femmes passer dans cette chambre. Toutes plus belles les unes que les autres, certaines bien plus belles que moi. Mais chacune partageait un point commun avec la suivante : chacune vous désirait. Moi, prince déchu, moi je vous aime.