Le mouroir de Dolly.

Je t'assassine.

samedi 26 janvier 2013 à 19h23

L’homme pleure. Ses larmes ont un goût de souvenir. Doux-amer. Dans la pénombre de sa chambre noire, il se souvient.

Elle était belle, l’insolente. D’une beauté incandescente et inconsciente. Apparue dans sa vie un matin d’automne. Disparue un soir d’été. Elle était libre et enchaînée, heureuse et malheureuse. Elle était ce genre de personne toujours gaie, aux yeux pétillants et au sourire ravageur. Combien l’avaient aimé avant lui ? Il préférait ne pas y songer. Du moment qu’il trouvait le moyen, le courage d’être le seul susceptible de compter. Mais elle était aussi d’une tristesse affligeante, mortifiante. Seule parmi la multitude, son âme meurtrie hurlait sa frustration en dépit des apparences. Qu’avait-elle donc, cette douce hirondelle ? Quel était ce mal qui meurtrissait ses nuits et assassinait ses rêves ? S’il l’avait su.. Peut-être alors aurait-elle été capable de l’aimer. Son secret serait devenu leur secret. Mais elle n’avait rien dit. Elle était revenue chaque jour, repartie chaque soir, avec ce même entrain, cette même chaleur. Hantée par de mystérieux et inaccessibles démons.

Et plus elle luttait contre elle-même, plus il l’aimait.

Elle était forte et fragile, tout et rien. Pour la définir pleinement il faudrait une multitude d’adjectifs antithétiques. Elle était ce gris tantôt clair comme un matin brumeux, tantôt sombre comme un printemps orageux. Tout cela le fascinait, lui, pauvre homme qui ne croyait plus en rien. Il avait suffi d’un jour, d’une présence, d’un regard pour que son univers bascule du tout au tout. Il était seul et voilà qu’ils étaient deux. Elle était tantôt là à écrire. Tantôt ici à rire. La voici qui trébuche, qui soupire, qui se baisse, qui l’observe, qui pense, qui parle, qui se tait. Même absente elle hante son univers de façon constante. Était-ce cela, l’amour ? Ou n’était-ce qu’une lubie passagère due à un isolement prolongé ? Les mois passaient et ce qui semblait n’être qu’une romance envolée se muait en une passion dévorante. Elle était là, vous comprenez. Si proche et si loin. Il lui suffisait de tendre le bras pour la toucher mais cela ne suffisait pas pour qu’elle lui appartienne. Attendre était inutile et douloureux. Il fallait agir. Mais comment diable peut-on posséder une poupée de glace aux yeux de feu ? Tout semblait écrit à l’avance, la chute était inéluctable. C’était trop d’amour, d’impatience, d’angoisse et de désir pour un seul homme.

L’assassin se meurt.