Le mouroir de Dolly.

Décembre en juin.

dimanche 12 août 2012 à 20h33

Dans les rêves de l’enfant, il y a un homme. Nu, contusionné, transi de froid et de souffrance. Il est à genoux, tête baissée, lèvres bleues. Sa main droite serre la robe rouge de l’enfant alors que l’autre pend mollement sur le sol. Son regard fixe est un mélange d’effroi, d’agonie et de vide. Les larmes coulent lentement sur ses joues creuses avant de s’écraser dans la neige blanche. Dans les rêves de l’enfant, il y a un homme. Il sait pertinemment qu’il va mourir. Il relève la tête. Il tremble. Il implore.
- Pardon, pardon !
Mais en vain. Il voit bien qu’il est trop tard. Le regard de l’enfant est trop sombre. Alors son corps se tord, se convulse, bascule en arrière et s’écrase dans le froid mordant d’un désert de glace. Des spasmes de plus en plus violents l’agitent. Douce torture. L’enfant reste stoïque. Il souffre, oui. Tellement. Il supplie.
- Pitié, pitié !
Dans les rêves de l’enfant, il y a un homme. Un homme qu’elle hait. Un homme qu’elle aime. Qui lui a tout pris. A qui elle a tout donné. A côté duquel elle s’assoit et tendrement, lui caresse le front. Le nez. La bouche. Elle descend jusqu’à son cou, son épaule, son bras, sa main. Cet homme a de si belles mains. Puis elle remonte, fait durer le supplice qui se mue en plaisir. Elle promène ses doigts sur son torse en fredonnant d’un air absent.
- Lala, lalalalala..
Son regard se fige, ses muscles se tétanisent. Pourquoi ne pourrions-nous pas nous aimer pour toujours ? Tu m’as perdu, le jour où tu m’as tuée. Dans les rêves de l’enfant, il y a un homme. Il sait qu’il mérite son sort. Même lorsque l’enfant plante sauvagement ses ongles dans son torse et lui arrache des cris de douleur. Il le sait toujours lorsque l’enfant lui imprime quatre lettres dans le corps. Il connaît ces quatre lettres. Il sait ce qu’elles signifient. L’homme ne crie plus parce qu’il a enfin compris.
Dans les rêves de l’enfant, il y a un homme. Un tas de chairs sanguinolentes qui s’écoulent dans la neige et attend la fin. L’enfant ne sourit pas. Ne sourit plus. Ne sourira jamais plus. Cet homme avait-il une femme ? Des enfants ? Une famille ?
- Tu as fait de moi un monstre. Le monstre tue. Ne pardonne rien.
Oui, dans ses rêves l’enfant s’allonge contre l’homme. Pose une main sur sa poitrine lacérée pour une ultime étreinte. Un ultime baiser. Un dernier adieu.