Le mouroir de Dolly.

Esquisse d'une agonie.

mardi 27 août 2013 à 00h14

Il est là. Il s’approche. Il n’est plus qu’une ombre, l’homme au masque qui rit. Il tourne dans un sens, dans l’autre. Puis il s’arrête, décidé. Il s’avance, se penche. Petite taille. Petite fille. Il tend la main, effleure les cheveux. Comme ils sentaient bons. Ses lèvres bougent mais il n’y a pas de son. Le bruit du monde s’est éteint. Ne reste que le cœur et ses battements, fébrile espoir auquel s’accrocher. Se raccrocher. Avant de sombrer.

Les lèvres glissent dans le cou, s’attardent çà et là. Mais tout est très rapide. Il faut faire vite. Ne pas être vu. Ne pas être surpris. Museler l’enfant. Fermer la cage. Jeter la clé dans l’abîme. Comme ça. Comme rien.

Et enfin. L’abandonner. Être abandonnée. Se relever chancelante, honteuse et perdue. Se retrouver dans le noir. Courir vers la lumière. Traverser le couloir et plonger vers la sortie. Puis se retrouver dehors, seule. Prostrée. Coupée en deux. Corps inexistant. Esprit déconstruit. Et bientôt, très bientôt, savoir qu’il faudra y retourner.

Dehors il pleut mais son écho reste lointain pour la jeune fille. Dans la pénombre de sa chambre, les volets grands ouverts, elle espère que la violence de l’orage saura la cueillir et annihiler son âme. Elle compte jusqu’à trois et sa mémoire bascule. Elle voit la forêt, le loup et l’enfant. Il y a comme une odeur d’herbe coupée, de feu de bois et d’hôpital. Au toucher.. Non. Il n’y a pas de toucher. Pas d’étreinte. Pas de caresse. La conscience s’altère de nouveau et la mémoire s’éteint. Pour longtemps, très longtemps.

Se réveiller. Comme après un coma. Comme après un répit. Un oubli. Se réveiller en plein cauchemar. Vouloir s’en sortir. Apprendre à aimer. Retrouver la peur. Retrouver l’effroi. Fuir encore. Fuir toujours. Pourquoi la neige n’est-elle pas rouge ?

Revenir. Recommencer. Aimer encore. Aimer toujours. Plus que la mort. Plus que la vie. Plus que la peur. Et découvrir, se découvrir. Vouloir. Pouvoir. Créer à deux. Croire en l’autre. Lui offrir la clé oubliée et se donner entièrement. Dernière chance. Dernier espoir. Premier amour.