J’avais peur. Ils m’avaient dépossédé de tout ce qui me restait. Mes modestes biens, mes sentiments, ma dignité. Mon innocence. Et pourtant je continuais à me battre, à avancer envers et contre tout. Je crois que c’est ça mon problème, je suis malade de vivre. J’ai besoin de rire, de sourire. Peut-être pour oublier. Oublier que je ne suis rien, rien qu’une poussière minuscule dans l’infinité d’un tout qui me dépasse. Peut-être un jour trouverai-je la force d’oublier. Alors les questions qui me tourmentent ne seront plus qu’un arrière-goût amer de mon infortune passée. Un jour je serai riche de tout, riche d’amour, de bonheur et de vie. Ma pauvre errance ne sera plus qu’une ombre impie que je pourrai librement maudire les jours d’hivers enneigés et de printemps orageux. Peut-être ainsi dépasserons-nous l’anathème qui ne mène qu’à nos chagrins et marcherons-nous vers un avenir plus court mais ô combien plus intense ? Tu le sais n’est-ce pas ? Tu le sais, mon amour. Tu n’as jamais ignoré que le mal qui me tourmente ne provient que de moi et de nul autre. C’est d’ailleurs cela qui t’a toujours attiré chez moi et qui attire les autres. Tu te délectes de ce feu passionnel qui dévore mon âme et s’insinue partout. Tu es fier de pouvoir me traîner où bon te semble pour m’exhiber. Je suis ta chose, ta toute petite chose. Je devrais te haïr pour cela mais je n’y parviens pas. Tu m’as enchaîné à toi et m’as rendue prisonnière. Je me délecte de cette cage dorée qui sera mon tombeau. Ma seule consolation sera de t’entraîner avec moi dans cette perdition qui est mienne. Tu ne l’a vois pas venir mais elle approche, l’heure de ta déchéance. Un jour l’élève dépassera le maître et ce sera mon tour de prendre les rênes. Tu accepteras ta défaite sans t’en rendre compte et te noieras en moi. Tu perdras ce désir de posséder pour celui d’être possédé. Tu ouvriras sans peine la porte du néant pour m’y jeter et t’y perdre à ton tour. Tu sais bien que nous sommes liés à jamais. Tu seras à la fois mon sauveur et mon bourreau. Mon aimé et ma victime.
Savez-vous que votre pire ennemi n’est autre que vous-même ?