Le mouroir de Dolly.

Two years ago.

dimanche 31 mai 2015 à 16h09

Ne doute plus. Si elle a envahi tes pensées, ne doute plus. Si loin d’elle tout te paraît triste et gris, ne doute plus. Cours vers elle les bras tendus, le coeur joyeux et débordant d’amour. Dit-lui que tu l’aimes, dit-le lui jusqu’à-ce qu’elle chancelle de bonheur. Serre-la contre toi, écoute-la se confier. Sèche ses larmes et protège-la. Oui, protège-la.

Dans la brume naissante, je cours. Les heures, les jours, les années s’écoulent, je cours. Je fuis. Je fuis les ombres, le passé, le silence. Je m’assoie. L’homme derrière le bureau réajuste ses lunettes. - Pensez à un paysage. Ce paysage vous effraie. Décrivez-le moi. Un regard vide pour une âme trop pleine. Respiration. Silence. Respiration. - Tout semble trop grand. Oui, l’espace semble démesurément grand. Je vois une cour de récréation sous un ciel gris. Il fait sombre, un milieu d’après-midi hivernal. Une balançoire, un tourniquet… Les objets se meuvent dans un bruit rouillé, familier. Il y a des cris d’enfants mais l’espace est désert. Le vent s’engouffre partout. - Qu’est-ce qui vous effraie ? - Tout. La respiration est faible, inaudible. Il faut se contrôler. - Vous êtes au milieu de cette cour. Comment vous sentez-vous ? - Scindée en deux. - En deux, dites-vous ? - Oui, mon corps a disparu mais mon esprit demeure. - Quel âge avez-vous ? - Trois ans. Trois ans et la vie devant moi. - Racontez-moi la suite de l’histoire. - Je vais baisser les yeux et m’apercevoir qu’à cause de ma punition injuste j’ai des pantoufles aux pieds. Alors je vais retourner dans le couloir chercher mes chaussures. - Et ensuite ? - Il n’y a pas de suite. Le mystère reste entier. Le secret est enfoui à tout jamais entre ces murs. - Et selon vous, quelle est la fin ? - Je ne suis jamais sortie du couloir.

Berce-la pour l’endormir, rassure-la quand elle a peur. Poupée de givre aux yeux de feu, tes aiguilles t’empêchent de marcher. Plus tu en rêve, plus tu t’écroules. Tu n’étais pas faite pour la vie mais la vie s’accrochait. Ton monde n’a jamais été bleu, innocent et pur. Le rouge est partout dans tes souvenirs et des souvenirs tu en as si peu. Tu inspires un grand coup et tu t’étouffes de douleur. C’est cruel mais nécessaire. C’était toi Lolita, malheureuse et nue. C’était toi dans la forêt, conversant avec le Loup. C’était toi dans la pièce au milieu des cadavres. Tu étais ce rien que l’on retrouvait partout. Entends mon rire qui pleure.